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La deuxième partie du Parménide : identité et altérité de l’intelligible

Quel rapport entretient la deuxième partie du Parménide avec la première partie ? Parménide précise que l’exercice proposé doit porter sur les « choses qui sont par excellence objets de la raison et dont on pourrait estimer que ce sont des Formes » (135e2-4). Nous essaierons de montrer dans cette présentation que Parménide suggère dans la deuxième partie du dialogue un changement de point de vue : si les apories de la première partie étaient causées par l’analyse de la notion de participation du sensible à l’intelligible, la deuxième partie, à travers les huit séries de déductions, développe une réflexion concernant la nécessité pour l’intelligible de posséder une identité propre sans toutefois que cette identité implique qu’il faille considérer les Formes intelligibles comme autarciques et complètement isolées. En réalité, chaque Forme, dans sa dimension d’altérité, doit s’ouvrir sur ce qui lui est différent (aussi bien les autres Formes que les objets sensibles).

Nous défendrons ainsi l’idée que dans l’énonciation même de l’hypothèse, « l’un » est mis en rapport avec d’autres entités, à savoir les plusieurs. Ainsi l’essence même de l’hypothèse sera d’envisager son sujet par rapport à d’autres éléments. Il faut donc recourir à cet aspect relationnel pour essayer d’élucider l’objectif des séries de déductions.

Nous suggérerons que l’hypothèse de la deuxième partie du Parménide repose sur les éléments suivants : supposons un objet X et examinons quelles sont les conséquences pour l’objet en question et pour les objets (a, b, c etc.) qui se trouvent distingués de cet objet. Dans un second temps, il faudra mener les mêmes recherches en posant comme hypothèse que X n’est pas. Il s’avère essentiel de constater que la priorité dans cet exercice ne semble pas être donnée au référent de l’hypothèse, mais plutôt aux différentes relations qui existent entre les objets impliqués dans l’hypothèse en question.

La différence entre les deux parties du dialogue pourrait être analysée ainsi : dans la première partie du Parménide, il était question de comment les particuliers, en tant qu’entités distinctes, participent aux Formes, alors que dans la deuxième partie, c’est exactement la question inverse qui se pose : comment les Formes entrent-elles en relation avec les particuliers qui, quant à eux, ne sont pas des entités distinctes et indépendantes, mais des images des Formes ? Si les Formes sont des réalités autarciques et fermées sur elles-mêmes, il peut sembler légitime de se poser la question suivante : qu’est ce qui leur permet d’être en relation avec quoi que ce soit d’autre qu’elles-mêmes ? Or, cette question ne concerne pas exclusivement la relation Formes-particuliers, mais aussi la relation Formes-Formes. La deuxième partie du Parménide, par le renversement de point de vue qu’elle propose, pose la question du statut de l’intelligible en s’intéressant aux notions de relation et d’absence de relation qu’il entretient avec lui-même et avec ce qui lui est différent.

Nous montrerons plus particulièrement que si la discussion proposée par Parménide peut s’interpréter comme traitant du rapport entre l’intelligible (l’un) et les objets sensibles (les plusieurs), alors les séries impliquent deux cas distincts : 1) l’absence de participation entre les deux réalités (la séparation radicale de la première partie (133c2-7)), due au fait que l’un n’admet aucune distinction et aucune ouverture sur autre chose (déductions : 1, 4, 6, 8) ; et 2) la participation entre les deux catégories (le sensible et l’intelligible) (déductions : 2, 3, 5, 7). Or, dans ce cas, nous semblons retomber dans certaines des apories de la première partie. La multiplication à l’infini de l’un dans la deuxième série n’est pas sans rappeler l’argument du Troisième Homme (132a- b). Nous avons ainsi deux cas distincts de communication des propriétés : si ce sont les plusieurs qui participent à l’un, alors l’un sera affecté des propriétés du cadre spatio-temporel, alors que si c’est l’un qui participe aux plusieurs, ces derniers seront affectés par les propriétés de l’un.

Nous conclurons notre présentation par la suggestion suivante : la deuxième partie du Parménide semble établir que, si nous nous plaçons du point de vue de l’intelligible, il y a nécessité de fonder les relations que chaque Forme, identique à elle-même, entretient avec ce qui lui est différent – aussi bien les autres Formes que les objets sensibles.

The second part of the Parmenides: identity and alterity of the intelligible

What relationship does the second part of the Parmenides have with the first part? Parmenides states that the proposed exercise must be about “those things that one might above all grasp by means of reason and might think to be forms” (135e2 -4). We will try to show in this presentation that Parmenides suggests in the second part of the dialogue a change of point of view: if the aporias of the first part were caused by the analysis of the notion of participation of the sensible to the intelligible, the second part of the dialogue, through the eight series of deductions, develops a reflection concerning the necessity for the intelligible to have an identity of its own, without this identity implying that it is necessary to consider the intelligible Forms as autarchic and isolated entities. In reality, each Form, in its dimension of alterity, must open itself on what is different from it (other Forms as well as sensitive objects).

We will thus defend the idea that the enunciation of the hypothesis, “the one” is related to other entities, namely the many. Thus, the very essence of the hypothesis will be to consider its subject in relation to other elements. We must therefore consider this relational aspect to elucidate the aim of the series of deductions.

 

We will suggest that the hypothesis of the second part of the Parmenides is based on the following elements: take an object X and consider what are the consequences for the object in question and for the objects (a, b, c etc.) that are distinguished from this object. Then, it will be necessary to carry out the same pattern of research by hypothesizing that X is not. It is essential to note that the priority of this exercise does not seem to be given to the referent of the hypothesis, but rather to the different relations that exist between the objects involved in the hypothesis in question.

 

The difference between the two parts of the dialogue can thus be analyzed as follows: in the first part of the Parmenides, it was a question of how the particulars, as distinct entities, participate in the Forms, while in the second part, it is exactly the opposite question that arises: how do Forms relate to particulars which, in turn, are not independent entities, but images of Forms? If the Forms are self- sufficient and isolated entities, it may seem legitimate to ask the following question: what allows them to be in relation with anything other than themselves? However, this question does not concern exclusively the Form-particular relation, but also the Form-Form relation. The second part of the Parmenides, by the change of viewpoint that it proposes, raises the question of the status of the intelligible by focusing on the notions of relations and lack of relations that it has with itself and with what it is different from.

More specifically, we will show that if the discussion proposed by Parmenides can be interpreted as dealing with the relation between the intelligible (the one) and the sensible objects (the many), then the series imply two distinct cases: 1) the absence of participation between the two realities (the radical separation of the first part (133c2-7)), due to the fact that the one admits no distinction and no ontological opening to anything else (deductions : 1, 4, 6, 8); and 2) the participation between the two categories (the sensible and the intelligible) (deductions : 2, 3, 5, 7). Now, in this case, we seem to fall back into some of the aporias of the first part. The infinite multiplication of the one in the second series reminds us of the Third Man argument (132a-b). Thus, wee have two distinct cases of communication of the properties: if the many participate in the one, then the one will be contaminated by spatio-temporal properties; whereas if it is the one that participates in the many, these latter will be affected by the properties of the former.

We will conclude our presentation with the following suggestion: the second part of the Parmenides seems to establish that, from the point of view of the intelligible, it is necessary to found the relations that each Form, identical to itself, has with what is different from it – both the other Forms and the sensible objects.

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