Enigmatique exaiphnès
De l’ensemble relativement réduit d’occurrences du terme exaiphnes dans les dialogues de Platon (36 occurrences réparties en 9 dialogues auxquels s’ajoute l’occurrence de la Lettre VII), les lignes que lui consacre le Parménide (156 c-e) sont parmi les plus célèbres et le lien de l’un et du temps fait l’objet dans ce dialogue de l’une des plus belles pages consacrées, comme dans le Timée, aux formes que peut prendre le temps.
Les études récentes (Brisson-Décarie 1987) montrent clairement que cette section du Parménide (155 e 4 – 157 b 5) ne constitue pas une troisième hypothèse autonome, mais examine les conséquences de la série des déductions qui la précèdent, comme le rappelle Parménide quand il dit : « si l’un est, comme nous l’avons déjà exposé ». Ce n’est pas pour autant qu’elle doit être considérée comme un simple appendice dont l’importance n’est pas significative (Graeser 1999 et plus généralement sur ce point Ferrari 2004). Bien au contraire, dans ce passage Platon propose un exposé bref, certes, mais particulièrement dense, de ce qu’est l’exaiphnès et du rôle qu’il joue dans l’économie générale d’une analyse dialectique, dans la mesure où il donne un exemple de la manière dont doit être conduite une telle analyse. En effet, le Parménide, par le biais d’un examen terminologique des formes que peut prendre le temps, notamment le présent, le maintenant, le nun, rappelle certes le lien structurel qui lie l’être et le temps, mais il le fait dans un contexte bien particulier, lié à l’examen des conséquences qui découlent, dans la seconde hypothèse, de l’idée d’un, une fois admise son existence (« si l’un est). C’est dans ce contexte que Platon en vient à montrer que, sans être « dans le temps », l’exaiphnes n’en est pas moins quelque chose « du temps », un temps, en quelque sorte, hors du temps (Casertano 1998).
L’adverbe qui n’est utilisé par Platon sous sa forme substantivée (to exaiphnès) que dans ce passage du Parménide, indique cet instant (Brisson 1970-1971) immédiat et subit, qui précède le passage du mouvement au repos et inversement, et de manière plus générale toute forme de changement entre deux états opposés. Platon désigne par to exaiphnès la condition extraordinaire, le point « insituable » (selon la traduction d’atopon par Brisson 1994, 20113) et la situation paradoxale (Beierwaltes 1966-1967) dans laquelle se trouve ce qui est sur le point de changer (156 d 1-3). Cette dimension le place dans une situation effectivement extraordinaire, n’étant, en quelque sorte, en aucun temps, il est soustrait au temps (en khronôi oudeni). En ce sens il est intermédiaire et en quelque sorte « à mi-chemin » (Abbate 2012) entre le mouvement et le repos (metaxu tès kineseôs te kai staseôs) et plus généralement entre deux états opposés. A ce titre cette dimension est spécifiquement distincte des déterminations de ce qui subsiste en un laps de temps déterminé, et plus généralement de ce qui est « dans le temps » (156 d 6). Il n’est ni le présent au sens propre, ni l’éternité à durée illimitée. Certes, l’exaiphnès est lié au temps, mais il est en un sens différent du temps ; il n’en est pas pour autant la négation, et, comme on le sait, Platon dit lui-même qu’il a une nature étrange, stupéfiante, insaisissable, tentant dans cette section de cerner comment ce « tout soudain », sans être dans le temps est tout de même quelque chose « du temps ».
L’analyse de ce passage a fait l’objet de multiples interprétations. Certains commentateurs l’interprètent en un sens prédicatif (Ferrari 2004) et même comme une première formulation du principe de non contradiction formalisé par Aristote en Métaphysique Gamma (Berti 1992, Berti 1998) dans la mesure où se trouve énoncée la manière d’éviter la contradiction : ce n’est que dans des temps différents qu’une même chose peut participer ou ne pas participer de la même chose, autrement dit avoir et ne pas avoir le même prédicat. D’autres (Migliori 1990) insistent sur l’idée que le passage renvoie à la question de la participation et que si les idées sont à l’origine du devenir elles ne peuvent pas être dans le devenir, mais dans « un état intermédiaire ». D’autres (Strobach 1998) remarquent à juste titre l’articulation de l’espace et du temps qui sous-tend ce passage ; l’entrecroisement – qui suit l’affirmation selon laquelle « si l’un participe de l’être, il participe du temps » – des 3 adverbes : jadis (pote), après(epeita) et maintenant (nun) et des deux verbes : être et devenir, en témoignerait si besoin en était, d’autant que si exaiphnès est défini au moins deux fois comme stupéfiant (156 d 1, d 6-7), il est dit atopos, sans lieu, insituable, et que « changer ne peut se faire sans changer » (156 e 7-8). Comme le jour dont parle Socrate en 131 b 3, il ne possède pas de topos, il est incommensurable au devenir (encore Ferrari 2004), et, en ce sens, il pourrait renvoyer au problème mathématique de l’incommensurabilité (Riccardo 1995, Toth 1994). D’autres y voient une position ironique de la part de Platon (Giannantoni 1997). Il en est (Dixsaut 2003) qui voient dans ce changement un événement qui interrompt le cours et la succession du « temps qui s’avance » en sorte que l’analyse du temps dans ce passage marque la prise de conscience de Platon que « la participation d’êtres temporels à des êtres intemporels » les temporaliserait. Isolée de son contexte dialectique, la notion d’exaiphnes a en outre été souvent considérée comme un indicateur métaphysique de l’extra-temporalité des idées.
Le fait que l’un, en tant qu’il est un, participe, à un certain moment (pote), de l’existence (metekhein ousias) et à un autre moment, en tant qu’il n’est pas, n’y participe pas, signifie que ces deux conditions ne peuvent lui advenir que dans des temps différents (en allôi khronôi). Reste que le temps dans lequel l’un prend part à l’être (metalambanei tou einai) (156 a 1-2) et celui dans lequel il en vient à l’abandonner (apallattetai, 156 a 2) est un temps bien particulier. Casertano (1998) fait observer à juste titre que le changement de registre linguistique marque précisément la dimension linguistique dans laquelle se déploie l’analyse platonicienne de l’exaiphnès. Le reste du passage est également soumis à ce régime d’analyse linguistique et sémantique : « prendre part à l’être, n’est-ce pas ce que tu appelles naître ? – Si fait – Et quitter l’être n’est-ce pas ce que tu appelles périr ? » (156 a 4-5).
La communication se propose de montrer comment ce n’est qu’à partir d’une analyse linguistique que Platon peut dégager cette nature étrange, stupéfiante, insaisissable et énigmatique du « tout saoudain », de l’« instantanément », de l’exaiphnès, et que c’est à ce titre que ce passage se donne bien comme l’analyse des conséquences de la seconde hypothèse, et comme un exemple de ce que peut être pour Platon une analyse dialectique, laquelle se doit d’être nécessairement attentive aux présupposés linguistiques et conceptuels de l’hypothèse dont elle part, à la place qu’elle occupe dans un champ sémantique donné et à la manière dont tout changement de registre ou de champ d’analyse conduit à d’autres conséquences qui suivent nécessairement ce changement de registre.
L’exaiphnès se situe dans la sphère du langage, quand bien même il aurait pour fonction de signaler un moment particulier du temps, ce moment du temps hors du temps dans lequel se produit un changement, en sorte que l’on peut voir dans ce passage comment l’analyse linguistique est indispensable à l’analyse ontologique.
Enigmatico exaiphnes
Nell’insieme relativamente ridotto di occorrenze del termine exaiphnes nei dialoghi di Platone (36 occorrenze ripartite in 9 dialoghi ai quali si aggiunge la VII Lettera), i righi che ad esso consacra il Parmenide (156 c-e) sono fra i più celebri e il legame dell’uno con il tempo è l’oggetto di una delle pagine più belle dedicate, come nel Timeo, alle forme che può assumere il tempo.
Gli studi recenti (Brisson-Décarie 1987) mostrano chiaramente che questa sezione del Parmenide (155 e 4 – 157 b 5) non costituisce una terza ipotesi autonoma ma esamina le conseguenze della serie di deduzioni che la precedono, come ricorda Parmenide quando dice : « se l’uno è, come abbiamo esposto ». Non per questo essa deve essere considerata una semplice appendice di scarsa importanza (Graeser 1999 e più in generale su questo aspetto Ferrari 2004). Anzi, in questo passo Platone propone una trattazione certo breve ma particolarmente densa di che cosa sia l’exaiphnes et del ruolo che l’exaiphnes svolge nell’economia generale di un’analisi dialettica, in quanto offre un esempio del modo in cui deve essere condotta tale analisi. In effetti, il Parmenide, attraverso un esame terminologico delle forme del tempo, più in particolare il presente, l’ora, il nyn, richiama certo il rapporto strutturale che lega l’essere e il tempo, ma nel quadro di un contesto particolare, connesso all’esame delle conseguenze che, nella seconda ipotesi, derivano dall’idea di uno, una volta ammessa la sua esistenza (« se l’uno è »). È in questo contesto che Platone giunge a mostrare che, senza essere «nel tempo», l’exaiphnes è, ciò nonostante, qualcosa « del tempo », un tempo, in qualche modo, fuori dal tempo (Casertano 1998).
L’avverbio che viene usato da Platone nella sua forma sostantivata (to exaiphnès) solo in questo brano del Parmenide, indica questo istante (Brisson 1970-1971 ) immediato e improvviso, che precede il passaggio del movimento alla quiete e viceversa, e in modo più generale qualsiasi forma di cambiamento tra due stati opposti. Platone con to exaiphnès si riferisce alla condizione straordinaria, al punto « incollocabile » (secondo la traduzione di atopon di Brisson 1994, 20113) e alla situazione paradossale (Beierwaltes 1966-1967) in cui si trova ciò che sta per cambiare (156 d 1-3). Questa dimensione lo colloca in una situazione effettivamente straordinaria, in quanto è, in qualche modo, in nessun tempo, sottratto al tempo (en khronôi oudeni). In questo senso è intermedio e in qualche modo « a metà strada » (Abbate 2012 ) fra il movimento e la quiete (metaxu tès kineseôs te kai staseôs) e più in generale fra due stati opposti. In quanto tale, questa dimensione è specificamente distinta dalle determinazioni di ciò che sussiste in un determinato lasso di tempo e, più in generale, di ciò che è « nel tempo » (156 d 6). Non è né il presente nel vero e proprio senso, né l’eternità di durata illimitata. Certo, l’exaiphnès ha un legame con il tempo, ma in un certo senso è diverso dal tempo ; non ne è per tanto la negazione ; e come è ben noto, Platone stesso sostiene che l’exaiphnes ha una natura strana, stupefacente e inafferrabile, provando in questa sezione di capire come questa « subitaneità », senza essere nel tempo sia comunque qualcosa del tempo.
L’analisi di questo brano ha suscitato diversi interpretazioni. Alcuni critici lo interpretano in un senso predicativo (Ferrari 2004) e anche come una prima formulazione del principio di non contraddizione formalizzata da Aristotele in Metafisica Gamma (Berti 1992, Berti 1998) in quanto vi si trova enunciato come evitare la contraddizione : soltanto in tempi diversi una stessa cosa può partecipare o non partecipare della stessa cosa, ossia avere e non avere lo stesso predicato. Altri (Migliori 1990) insistono sull’idea che il brano alluda alla questione della partecipazione e che se le idee sono all’origine del divenire non possono essere anch’esse nel divenire, ma in « uno stato intermedio ». Altri (Strobach 1998) sottolineano giustamente il rapporto fra la dimensione spaziale e la dimensione temporale sottostante a questo passaggio ; l’intreccio – successivo all’affermazione secondo laquale « se l’uno partecipa all’essere, partecipa al tempo » – dei 3 avverbi : allora (pote), dopo (epeita) e ora (nyn)) ed entrambi i due verbi : essere e divenire, testimonierebbe se ve ne fosse ancora bisogno, che, se exaipnes è definito almeno due volte come stupefacente (156 d 1, d 6-7), viene detto anche atopos , senza luogo, incollocabile , e che il mutamento non può darsi senza mutamento (156 e 7-8 sqq.). Come il giorno di cui Socrate parla in 131 b 3, non possiede topos, è incommensurabile rispetto al divenire (ancora Ferrari 2004), e, in questo senso, potrebbe riferirsi al problema matematico dell’incommensurabilità (Riccardo 1995, Toth 1994). Altri interpreti colgono une postura ironica da parte di Platone (Giannantoni 1997). Non mancano coloro (Dixsaut 2003) che vedono in questo mutamento un avvenimento che interrompe il corso e la successione del « tempo che avanza » : l’analisi del tempo in questo brano segnalerebbe cosi la presa di coscienza da parte di Platone che « la partecipazione degli esseri temporali ad essere intemporali » li temporalizzarebbe. Isolata dal suo contesto dialettico, la nozione di exaiphnes è stata spesso considerata anche come un indicatore metafisico della extra-temporalità delle idee.
Il fatto che uno, in quanto uno, partecipi, in un certo momento (pote), dell’esistenza (metekhein ousias) e in un altro nel quale non è non vi partecipi, significa che queste due condizioni possono toccargli solo in tempi differenti (in allo khrono). Tuttavia, il tempo in cui l’uno prende parte all’esser (metalambanei tou einai) (156 a 1-2) e quello in cui lo abbandona (apallattetai, 156 a 2) è un tempo molto particolare. Casertano (1998) fa osservare giustamente che il cambiamento di registro linguistico connota proprio la dimensione liguistica in cui si sviluppa l’analisi platonica dell’exaiphnès. Il resto del brano è anche soggetto a tale regime di analisi linguistica e semantica : « prendere parte all’essere, non è cio che tu chiami nascere ? – Si certo – E lasciare l’essere non è quello che tu chiami perire ? (156 a 4-5).
Questa comunicazione cerchera di mostrare come sia solo a partire da un’analisi linguistica che Platone può mettere in luce questa natura strana, stupefacente, inafferrabile ed enigmatica della « subitaneità », dell’« istantaneamente », dell’exaiphnes e che in questo senso questo passo si presenta come l’analisi delle conseguenze della seconda ipotesi e come un esempio di ciò che per Platone può essere un’analisi dialettica, la quale deve essere necessariamente attenta ai presupposti linguistici e concettuali dell’ipotesi da cui parte, al luogo che occupa in un campo semantico dato e al modo in cui ogni cambio di registro o di campo d’analisi conduce ad altre conseguenze che conseguono necessariamente da tale cambio di registro.