Loading Events
This event has passed.

τὸ τρίτον λέγωμεν: Xenocrates and the notion of ἐξαίφνης in Plato’s Parmenides

 

In the second part of Parmenides, several arguments are dedicated to the problem of time. In the first argument (A I), the one is proved to be completely ‘atemporal’ (141d: οὐδὲ χρόνου αὐτῷ μέτεστιν, οὐδ’ ἔστιν ἔν τινι χρόνῳ). In the second argument (A II), the one participates in time insofar it participates in being (152a: Μετέχει ἄρα χρόνου, εἴπερ καὶ τοῦ εἶναι), and in variety of ways: it can be both younger and older than itself (152d4-e3); younger and older than others (153b8-d5; 152e10-153b7);  the same age as itself and as others (152e3-10; 153d5-e7). In this paper, we shall mainly be concerned with the third argument (A III) on time in its relation to the previous two. Some regard it as an ‘appendix’ to A II (Scolnicov 2003, p. 135) or simply as the third stage of it (Brisson 1999, p. 274). Others see it as the ‘third deduction’ (Allen 1983, p. 306) — a conscious deviation from the initial scheme playfully reproducing a similar move in the historical Parmenides with his ‘third way’.

On any reading, the scope of A III is unclear: A II has just demonstrated that ‘the one that is’ necessarily has opposite properties (155с4-7: τὸ ἓν αὐτό τε αὑτοῦ καὶ τῶν ἄλλων πρεσβύτερον καὶ νεώτερον ἔστι τε καὶ γίγνεται, κτλ), whereas A III clearly states that ‘at one time it participates, and at another it does not participate; for only thus (μόνως) could it both participate and not participate in the same thing’ (155e10-11). According to Scolnicov, this (apparent) contradiction is explained by the fact that A II deals with the Forms, which can be ‘contrarily predicated in different respects’, whereas this ‘appendix’ (A III) is concerned with sensible things, which (unlike Forms) can have different predicates at different times.

Against this view, we argue that A III is self-standing: if in A II Plato had wished to limit his observations to Forms only, he would have hardly chosen to speak of qualities which imply temporality (younger — older — same age), for these are not applicable to Forms. Neither does it make sense to speak of ‘becoming’ in connection with Forms, which Plato does in A II at 152c6-d2 (cf. Strang and Mills 1974, p. 63).

Therefore, we suggest to regard A III as Plato’s reaction to Academic discussions on time, and not as a reply to the historical Parmenides, even if it is Parmenides who is speaking. Indeed, in his later dialogues (Philebus e.g.), Plato occasionally alludes to the discussions among the members of the Academy, and it might as well be the case in the Parmenides.

In fact, A III is the only place in the Corpus Platonicum where the notion of ἐξαίφνης appears (156d1-157b4), but it is clear that this notion was broadly discussed in the Academy. Aristotle gives his well-known definition of ἐξαίφνης in Phys. IV 13, 222b14-15 (τὸ ἐν ἀναισθήτῳ χρόνῳ διὰ μικρότητα ἐκστάν), and the paradox of the ‘ceasing instant’ puzzles him in other books of the Physics as well (see Sorabji 1983). In his description of an instant, Aristotle suggests that it is not a very short period, but a boundary of a period (cf. Phys. IV 10, VI, 3 etc.).

Similar notion of timeless instant is found in Xenocrates (Frg. 87.32-33 ed. Parente: ἐν χρόνῳ τινὶ ἀνεπαισθήτῳ), who also describes it as a boundary between past and future (ἐν ὅρῳ χρόνου τοῦ παρεληλυθότος καὶ τοῦ μέλλοντος). Most importantly, Xenocrates raises the question of transitions ‘in no time’ in connection with physical change (sounds, movements etc.), just as it is the case in A III. This question, we suggest, might have been provoked by Xenocrates’ own discovery which concerns the discrete nature of sound (on which see Guthrie 1986 vol. V, p. 490). Each blow, according to Xenocrates (frg. 87 = fr. 9 Heinze) ‘occupies no time, but exists on the boundary between past and future’ (ἐν οὐδενὶ χρόνῳ ἐστὶν ἀλλ’ ἐν ὅρῳ χρόνου τοῦ παρεληλυθότος καὶ τοῦ μέλλοντος). Apparently, Xenocrates did not limit his observations to sounds: also visual data was analysed by him into ‘atomic units’ (see Dillon 2003, 118). So, things appear to us continuous only because our senses are not acute enough.

 

In sum, we maintain that in A III Plato recaps certain theses concerning time discussed in the Academy. Namely, he shows that the idea of ‘timeless boundary’ inevitably brings us to a paradox: at any given ‘instant’ the one is neither one nor many, neither like not unlike, neither small nor large etc. (157b). Thereby he probably reacts to the Xenocratean ‘atomism’ which made mathematical units basic elements of physical reality (cf. Aristot. Met. I 6, 987b27-28: ὁ μὲν [sc. Πλάτων] τοὺς ἀριθμοὺς παρὰ τὰ αἰσθητά, οἱ δ’ [sc. Πυθαγόρειοι] ἀριθμοὺς εἶναί φασιν αὐτὰ τὰ πράγματα).

 

τὸ τρίτον λέγωμεν: Xenocrates et la notion de l’ ἐξαίφνης dans le Parménide de Platon

Dans la deuxième partie de Parménide, au moins trois arguments sont consacrés au problème du temps. Dans le premier argument (A I) , l’un n’a aucun rapport avec le temps, et n’est dans aucun temps (141d: οὐδὲ χρόνου αὐτῷ μέτεστιν, οὐδ’ ἔστιν ἔν τινι χρόνῳ). Dans le deuxième argument (A II), l’un participe du temps dans la mesure où il participe de l’être (152a: Μετέχει ἄρα χρόνου, εἴπερ καὶ τοῦ εἶναι), et cela de différentes manières : il peut être à la fois plus jeune et plus âgé que lui-même (152d4-e3); plus jeune et les plus âgé que les autres (153b8-d5 ; 152e10-153b7); le même âge que lui-même et que les autres (152e3-10; 153d5-e7).

Ici, nous nous intéresserons principalement au troisième argument (A III) sur le temps et à son rapport aux deux précédents. Certains savants le considèrent comme une “annexe” à  A II (Scolnicov 2003, p. 135) ou simplement comme la troisième étape (« un corollaire ») de A II (Brisson 1999, p. 273-274). Selon les autres, c’est la “troisième déduction” (Allen 1983, p. 306) qui présent une déviation consciente du schéma initial reproduisant un mouvement similaire chez Parménide historique avec sa “troisième voie”.

En tout cas, la portée de A III n’est pas claire: A II vient de démontrer que ‘l’un qui est’ est doté nécessairement des propriétés opposées (155с4-7: τὸ ἓν αὐτό τε αὑτοῦ καὶ τῶν ἄλλων πρεσβύτερον καὶ νεώτερον ἔστι τε καὶ γίγνεται, κτλ), alors que A III indique explicitement que “c’est à un moment qu’il a part à l’être et à un autre moment qu’il n’y a point part ; c’est là en effet pour lui l’unique moyen (μόνως) de participer et de ne point participer à la même chose» (155e10-11). Selon Scolnicov, cette (apparente) contradiction s’explique par le fait que A II concerne des Formes, qui peuvent être ” contrarily predicated in different respects “, alors que cette “annexe” (A III) concerne des choses sensibles, qui (contrairement aux Formes) peuvent avoir des prédicats différents à différents moments.

Contre ce point de vue, nous faisons valoir que A III est un argument autonome : si dans A II Platon avait voulu limiter ses observations aux Formes, il aurait à peine choisi de parler de qualités qui impliquent temporalité (plus jeune — plus âgé — même âge), car celle-ci ne sont pas applicables aux Formes. Il n’est pas non plus logique de parler de “devenir” par rapport aux Formes, ce que Platon fait dans A II à 152c6-d2 (cf. Strang et Mills 1974, p. 63). Par conséquent, nous suggérons de considérer A III comme la réaction de Platon aux discussions académiques portant sur le temps, et non comme une réponse à Parménide historique, même si c’est Parménide qui parle. En effet, dans ses dialogues tardifs (le Philébus par exemple), Platon fait parfois allusion aux discussions entre les membres de l’Académie, et ce pourrait aussi bien être le cas dans le Parménide.

En fait, A III est le seul passage dans le Corpus Platonicum où la notion de ἐξαίφνης apparaît (156d1-157b4), mais il est clair que cette notion a été largement discutée dans l’Académie. Aristote donne sa définition bien connue de ἐξαίφνης dans Phys. IV, 13, 222b14-15 (τὸ ἐν ἀναισθήτῳ χρόνῳ διὰ μικρότητα ἐκστάν), et dans d’autres livres de la Physique il est intéressé par des différents paradoxes portant sur l’instant indivisible (voir Sorabji 1983). Dans sa description d’un instant, Aristote suggère que ce n’est pas une période très courte, mais la limite d’une période (cf. Phys. IV, 10, VI,3 etc.).

On retrouve la même notion d’instant atemporel dans Xénocrate (Frg. 87.32-33 ed. Parente: ἐν χρόνῳ τινὶ ἀνεπαισθήτῳ), qui le décrit aussi comme une limite entre le passé et le futur (ἐν ὅρῳ χρόνου τοῦ παρεληλυθότος καὶ τοῦ μέλλοντος). Plus important encore, Xenocrates soulève la question des transitions instantanées en relation avec le changement physique (sons, mouvements, etc.), comme c’est aussi le cas dans A III. Cette question, croyons-nous, aurait pu être provoquée par la “découverte” de Xénocrate: la nature discrète du son (Voir Guthrie, 1986, vol. V, p. 490). Chaque coup, selon Xénocrates (frg. 87 = fr. 9 Heinze), n’est pas dans un temps, mais il existe sur la frontière entre le passé et le futur ” (en οὐδενὶ χρόνῳ ἐστὶν mais dans ὅρῳ temps de παρεληλυθότος et le futur). Apparemment, Xénocrate ne limite pas ses observations aux sons: il divide aussi des données visuelles en “unités atomiques” (voir Dillon 2003, 118). Ainsi, les choses nous apparaissent continues seulement parce que nos sens ne sont pas assez aigus.

En somme, nous maintenons que dans A III Platon récapitule certaines thèses concernant la nature du temps discutées dans l’Académie. A savoir, il montre que la notion d’une frontière atemporelle nous amène inévitablement à un paradoxe, car « lors qu’il va de l’un vers le plusieurs et du plusieurs vers l’un, il n’est ni un ni plusieurs, il ne se dissocie ni ne s’associe ; de même, lors qu’il va du semblable vers le dissemblable, du dissemblable au semblable, il n’est ni semblable ni dissemblable, etc.» (157a4-8). Ainsi, il réagit probablement à l’ « atomisme » de Xénocrate, qui a regardé des unités mathématiques comme des éléments de base de la réalité physique (cf. Aristot. Met. I 6, 987b27-28: ὁ μὲν [sc. Πλάτων] τοὺς ἀριθμοὺς παρὰ τὰ αἰσθητά, οἱ δ’ [sc. Πυθαγόρειοι] ἀριθμοὺς εἶναί φασιν αὐτὰ τὰ πράγματα).

Share This Story, Choose Your Platform!

Go to Top