Ousia and dunamis in the greatest aporia (Parm., 133b4-135b4)
Carolina Araújo
Universidade Federal do Rio de Janeiro
Conselho Nacional de Pesquisa
Brazil
The so-called “greatest aporia” confronted by Socrates’s theory of forms is an argument presented by Parmenides in Plato’s Parmenides attempting to prove that we cannot know these forms. This paper disputes contemporary interpretations that defend it as a sound and as a serious objection to Socrates. I first indicate that from the start Parmenides has a conception of ousia incompatible with the one proposed by Socrates, and is therefore not able to pose him a real challenge. Then I show that Parmenides is actually defending a relativist theory, which he discloses gradually in replacing ousia with dunamis as a prior explanatory principle. I offer three arguments for the inconsistency of his thesis. I conclude that Parmenides himself is right in pointing out that not to postulate Socratic forms would result in destroying our thought and our capacity for dialogue (135b5-c2). The development is as follows.
Socrates claims that an ousia should be a postulated as the being of an item in us, for these items are not by themselves (133c4-6). Ousia shall therefore function as the reference of statements about items in us. It provides a satisfactory answer to the “what is it?” question about them. Parmenides, in his turn, alleges that an ousia should be postulated as the being of correlative forms, because, like Socrates’s items in us, each of them cannot be by itself (133c8-9). Although he confers on ousia the same explanatory role of formal cause we find in Socrates’s theory, Parmenides applies it to forms, instead of to items in us. The result is that ousia means the logical relation of bi-implication. To this concept he adds a vague thesis about participation, by which he concludes that relative items in us are what they are not due to forms, but to each other (133d4). This contradicts Socrates’s initial claim on ousia, not, however, because it generates from it a reduction ad absurdum. The conclusion is inferred from a premise introduced by Parmenides, according to which one relative item in us is what it is due to its counterpart.
My first point against the consistency of Parmenides’s position is the equivocation on the notion of relation in his first argument (133d4): items in us are not relatives due to bi-implication. This becomes even clearer in Parmenides’s most notorious example, mastery and slavery, in which he brings in the word dunamis to express what it is for something to have an unspecified relation with something else (133e4-134a1). For forms, to have a dunamis simply means symmetric correlation based on internal necessary features of the end terms. For items in us, to have a dunamis means a spatio-temporal relation that happens externally to the nature of these items and which implies not a bi-implication, but a pair of mutually converse relations: being a slave and being a master.
My second objection is that Parmenides begins with the thesis that some forms are not by themselves and end up committed to the position that no form is by itself. When Parmenides analyzes the problem of knowledge, instead of explaining the presence of a dunamis by postulating an ousia, he explains an ousia by attributing a dunamis to it. Three important consequences emerge: (i) forms are not related at all to items in us (134b3-4), not even as the being of these items; (ii) because forms are related by dunamis, mutually converse relations typical of relative items in us – to know and to be known – apply to them (134b6-7), resulting in the so-called self-predicative forms; (iii) because forms are relative to knowledge, no form is by itself (see 134b11). All things considered, the fact is that Parmenides’s position defends the defence of a full-blown relativistic theory.
My last argument for his inconsistency is that he begins supposing ousia as a being by itself and commits himself to the thesis that an ousia is an item in others. Parmenides’s ousia/dunamis inversion is so clear-cut that, after describing the form of knowledge as a dunamis, he feels the urge to specify whose dunamis it is, i.e., who has the dunamis of knowledge itself and of forms: god (134c1011). The price he pays is that the forms become super-items, the form of knowledge being reduced to the most rigorous knowledge (134c10-11, 134d10). His conclusion that forms are not known to human nature (135a5) follows from replacing Socrates’s theory on the ousia of items for a general classification of items according to their degrees of being.
At the end of this argument, Parmenides claims that, in case each thing does not have a form, our thought would lack the stable object that it requires, and we would lose our ability to talk (135b5-c2). I take it as enough evidence to suggest that Parmenides is aware of the importance of Socrates’s theory on ousia, and that the challenge he proposes aims at pointing out that the refutation of a relativist objector should be added to it as its essential part.
Ousia et dunamis dans la plus grande aporie (Parm., 133b4-135b4)
La soi-disant « plus grande aporie » confrontée par la théorie des formes de Socrate est un argument présenté par Parménide dans le Parménide de Platon qui veut prouver que nous ne pouvons pas connaître ces formes. Ce travail conteste les interprétations contemporaines qui le préconisent comme une objection solide et sérieuse à Socrate. J’indique tout d’abord que Parménide a d’emblée une conception de l’ousia incompatible avec celle proposée par Socrate et qu’il ne peut donc pas lui poser un véritable défi. Ensuite, je montre que Parménide défend en réalité une théorie relativiste, qu’il dévoile progressivement en remplaçant l’ousia par la dunamis comme principe explicatif préalable. J’avance trois arguments pour l’incohérence de sa thèse. Je conclus que Parménide lui-même a raison de souligner que ne pas postuler des formes socratiques détruirait notre pensée et notre capacité de dialogue (135b5-c2). Le développement est comme suit.
Socrate prétend qu’une ousia devrait être postulée en tant que l’être d’une chose en nous, car ces choses ne sont pas en elles-mêmes (133c4-6). L’ousia doit donc servir de référence aux déclarations concernant des choses en nous. Elle fournit une réponse satisfaisante à la question « qu’est-ce que c’est ? » à leur sujet. Parménide, à son tour, allègue qu’une ousia devrait être postulée en tant que l’être des formes corrélatives, car, comme les choses en nous de Socrate, chacune d’entre elles ne peut pas être par soi-même (133c8-9). Bien qu’il confère à l’ousia le même rôle explicatif de cause formelle que nous trouvons dans la théorie de Socrate, Parménide l’applique aux formes plutôt qu’aux choses en nous. Le résultat est que ousia signifie la relation logique de la double implication. À ce concept, il ajoute une thèse vague sur la participation, par laquelle il conclut que les choses relatives en nous sont ce qu’elles sont pas à cause des formes, mais à cause d’elles-mêmes (133d4). Cela contredit l’affirmation initiale de Socrate sur l’ousia, mais pas parce qu’il en résulte une réduction ad absurdum. La conclusion est déduite d’une prémisse insérée par Parménide, selon lequel une chose relative en nous est ce qu’elle est à cause de sa contrepartie.
Mon premier point contre la cohérence de la position de Parménide est l’équivoque sur la notion de relation dans son premier argument (133d4) : les choses en nous ne sont pas relatives à cause d’une double implication. Cela devient encore plus clair dans l’exemple le plus notoire de Parménide, la maîtrise et l’esclavage, dans lequel il introduit le mot dunamis pour exprimer « avoir une relation indéterminée avec quelque chose » (133e4-134a1). Pour les formes, avoir une dunamis signifie simplement avoir une corrélation symétrique basée sur les caractéristiques internes nécessaires des termes. Pour les objets en nous, avoir une dunamis signifie une relation spatio-temporelle qui se produit extérieurement à la nature de ces choses et qui traduit non pas une double implication, mais un couple de relations réciproques : être esclave et être maître.
Ma deuxième objection est que Parménide part de la thèse selon laquelle certaines formes ne sont pas en soi-même et aboutisse à la position qu’aucune forme n’est par elle-même. Lorsque Parménide analyse le problème de la connaissance, au lieu d’expliquer la présence de dunamis en postulant une ousia, il justifie une ousia en lui attribuant une dunamis. Trois conséquences importantes se dégagent : (i) les formes ne sont pas du tout liées aux choses en nous (134b3-4), pas même en tant que l’être de ces choses ; (ii) étant donné que les formes sont relatives par dunamis, les relations réciproques typiques des choses relatives en nous — connaître et être connu — s’appliquent à elles (134b6-7), ce qui aboutit aux formes dites autoprédicatives ; (iii) parce que les formes sont relatives à la connaissance, aucune forme n’est en soi (voir 134b11). Tout bien considéré, le fait est que la position de Parménide est la défense d’une théorie relativiste à part entière.
Mon dernier argument en faveur de son incohérence est qu’il commence par supposer ousia comme un être en soi-même et s’engage à soutenir la thèse selon laquelle l’ousia est une chose en autre. L’inversion ousia/dunamis de Parménide est tellement nette que, après avoir qualifié la forme de la connaissance comme une dunamis, il ressent le besoin de préciser de qui est cette dunamis là, c’est-à-dire, qui possède les dunamis de la connaissance elle-même et des formes : dieu (134c1011). Le prix qu’il paye est que les formes deviennent des super-choses, la forme de connaissance étant réduite à la connaissance la plus rigoureuse (134c10-11, 134d10). Sa conclusion que les formes ne sont pas connues par la nature humaine (135a5) découle du remplacement de la théorie de Socrate sur l’ousia des choses pour une classification générale des choses en fonction de leur dégrées d’être.
À la fin de cet argument, Parménide affirme que, au cas où chaque chose n’aurait pas de forme, notre pensée manquerait de l’objet stable qu’elle nécessite et nous perdrions notre capacité de parler (135b5-c2). J’envisage cette déclaration comme preuve suffisante pour suggérer que Parménide est conscient de l’importance de la théorie de Socrate sur l’ousia. Le défi qu’il propose vise à souligner que la réfutation d’un objecteur relativiste devrait y être ajoutée en tant que partie essentielle.