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«Parménide» et «Hippias Majeur» :  Deux types d’eidos et deux types de participation

 

  1. Dans la première partie de «Parménide», Parménide demande au jeune Socrate comment les choses reçoivent leur part de l’eidos: de tout l’eidos entier ou d’une partie («Et tout ce qui participe d’une idée, participe-t-il de l’idée entière, ou seulement d’une partie de l’idée?» —131a, tr. Victor Cousin). Deux versions possibles de la participation sont présentées dans le dialogue.
  • L’eidos est entièrement dans chacune des choses multiples et séparés, en restant toutefois le même («l’idée une et identique serait à la fois tout entière en plusieurs choses séparées les unes des autres» Prm. 131b). Socrate offre l’exemple d’une ‘jour’ qui, étant le même, se trouve en même temps dans des endroits divers, mais ne se sépare pas de lui-même («comme le jour, tout en étant un seul et même jour, est en même temps dans beaucoup de lieux sans être pour cela séparé de lui-même, de même chacune des idées sera en plusieurs choses à la fois sans cesser d’être une seule et même idée», c.). Dans ce cas, l’eidos est indivisible et les «choses» participent à l’eidos comme à l’unité.
  • L’eidos, comme un tissu, couvre plusieurs hommes («comme si tu disais qu’une toile dont on couvrirait à la fois plusieurs hommes»). Il y a donc des parties différentes au-dessus des personnes différentes — dans ce cas, l’eidos est divisible (les idées sont elles-mêmes divisibles) et des «choses» participent aux ses parties.

Ceci est présenté comme une aporie. Nous croyons d’abord que ces deux types de participation sont en corrélation avec les deux types d’eidos explicitement mis en évidence dans le dialogue «Hippias Majeur».

Deuxièmement, nous considérons que dans le dialogue «Parménide», ces deux types d’idées sont présentés comme les deux principes de l’existence de l’Un, qui sont également présents dans le dialogues «Sophiste» (l’interaction de cinq grands genres) et «Timée» (la description de l’âme cosmique).

  1. Le premier type d’idées peut être appelé qualitatif ou indivisible. Socrate dit : «Si je suis fort et toi aussi, disais-tu, nous le sommes tous les deux ; si je suis juste et toi aussi, nous le sommes tous les deux ; et si nous le sommes tous les deux, chacun de nous l’est. De même, si je suis beau et toi aussi, nous le sommes tous les deux ; et si nous le sommes tous deux, chacun de nous l’est» (303b). Ici, chaque chose a la même qualité que la totalité de choses similaires.

Hippias croit que c’est toujours le cas. En répondant, Socrate dit : «si nous sommes deux conjointement, c’est une nécessité que chacun de nous soit aussi deux ; et que si chacun de nous est un, il est également nécessaire que tous les deux nous ne soyons qu’un (301de). Hippias est désemparé : «Il n’est donc pas nécessaire ‹…› que chacun de nous soit ce que nous sommes tous les deux, et que nous soyons tous les deux ce qu’est chacun de nous» (302b).

Ceci est un exemple du deuxième type d’eidos. David Ross (Plato’s Theory of Ideas, Clarendon Press, 1951, p. 4), l’appelle ‘numérique’ — mais cela appauvrit considérablement le sens.

L’exemple du plaisir de l’ouïe et de la vision (éventuellement, on peut l’appeler esthétique) est discuté en détail dans le dialogue «Hippias Majeur» : séparément, le plaisir de la vision et celui de l’ouïe sont qualitativement différents, mais ensemble ils créent une unité d’une nouvelle qualité. Ainsi, ce type d’eidos existe comme l’unité, dont les parties ne possèdent pas individuellement les caractéristiques de l’unité.

 

Nous pouvons trouver un exemple caractéristique de ce type d’idées dans le dialogue «Théétète»: les premières lettres du nom Socrate, sigma et oméga, séparément, n’ont rien de commun,  mais ensemble elles créent une syllabe qui, selon Socrate, n’est pas l’ensemble de lettres, mais elles «constituent un eidos uni, qui en résulte et qui possède sa propre idée unie, différente de celle des lettres (χρῆν γὰρ ἴσως τὴν συλλαβὴν τίθεσθαι μὴ τὰ στοιχεῖα ἀλλ’ ἐξ ἐκείνων ἕν τι γεγονὸς εἶδος, ἰδέαν μίαν αὐτὸ αὑτοῦ ἔχον, ἕτερον δὲ τῶν στοιχείων, 203e).

Nous appelons ces idées ‘les idées composites’, ou quasi-divisibles. ‘Quasi’ parce qu’il ne s’agit pas de la division sensible, mais de la diérèse dans la sphère intelligible.

  1. Dans le dialogue «Parménide», l’eidos composite ou quais-divisible est converti au principe nécessaire de l’existence de l’Un au début de la seconde hypothèse (142d), quand il s’avère que c’est impossible de penser l’Un comme l’un, mais il est nécessaire de supposer que l’Un existe : “Si il est se dit de l’un qui est, et un de l’être un, et si l’être et l’un ne sont pas la même chose, mais appartiennent également à cette chose que nous avons supposée, je veux dire l’un qui est, ne faut-il pas reconnaître dans cet un qui est, un tout, dont l’un et l’être sont les parties?» (142d)

Ce principe de l’existence de l’Un en tant qu’unité, constitué de parties, conduit l’argumentation nécessairement à la dialectique de l’identique et de l’autre : «Ainsi l’Un, en tant qu’il est un tout, est en quelque chose d’autre que lui-même ; mais en tant qu’il est toutes les parties dont le tout est formé, il est en lui-même ; en sorte que l’un est nécessairement et en lui-même et en quelque chose d’autre que lui-même» (145e).

La dialectique de l’identique et de l’autre est basée sur un autre type de l’implication lié à l’indivisibilité de l’eidos. C’est possible de le montrer par l’exemple de la façon dont l’Un est identique à l’Autre (différent) en raison de sa différence de lui : «Ainsi, en tant que l’un est autre que tout le reste, et tout le reste autre que l’un, l’un, participant au même autre que tout le reste, ne participe pas à une chose différente, mais à la même chose que tout le reste. Or, ce qui participe en quelque manière de la même chose, est semblable. N’est-il pas vrai?» (147e–148a)

Ici, comme on le voit, l’Un diffère de l’Autre, mais l’Autre aussi diffère de l’Un, par conséquent, ils sont tous deux liés à la «différence» — et si c’est le cas, c’est à cause de la distinction qu’ils sont similaires. Nous voyons ici un autre type de la participation — non pas des parties de l’Un, mais des eidos différents de l’eidos qualitative indivisible.

À mon avis, le problème de «l’Un et l’Autre», qui est le plus important pour Platon, est résolu par un modèle dynamique et compréhensi d’interaction entre les deux principaux types d’eidos et de participation liées à la divisibilité et à l’indivisibilité.

 

The Parmenides and the Hippias Major: Two Types of eidos and Two Types of Participation

 

  1. In the first part of the Parmenides, Parmenides asks a young Socrates about how things communicate with eide — whether they partake in the entire eidos or in a part of it (“So does each thing that gets a share get as its share the form as a whole or a part of it?” — 129a, transl. Mary Louise Gill and Paul Ryan). They identify two types of participation:
  • An eidos is located fully within each of the diverse and distinct things, while remaining the same (“being one and the same, it will be at the same time, as a whole, in things that are many and separate”, 131b). Socrates gives the example of a day, which, remaining one and the same, is simultaneously in multiple places, but never separate from itself (“if it’s like one and the same day. That is in many places at the same time and is none the less not separate from itself. If it’s like that, each of the forms might be, at the same time, one and the same in all”, c.). In this case, the eidos is shown to be indivisible, and the ‘things’ that are part of it belong to it as a whole.
  • An eidos, like a blanket, covers a variety of people (“it’s as if you were to cover many people with a sail”, c.), so that different people are located under different parts of it — in this case, the eidos is divisible (“so the forms themselves are divisible”, 131c), and the ‘things’ partake in its parts. This is presented as an aporia. I presume, first, that these two types of communion relate to the two types of eide explicitly singled out in the dialogue Hippias Major; second, that in the Parmenides these two types of eidos are presented as the two founding principles of the existence of ‘the One’, which, in turn, feature in the Sophist in the interaction of the five great genera, and in the Timaeus, in the description of the cosmic soul.
  1. We may call the first type of eidos qualitative or indivisible. In the Hippias Major, Socrates says: if I am beautiful, and you, Hippias, are beautiful, then both of us together are beautiful. And vice versa, if we are both beautiful, then each of ourselves is beautiful (righteous, good, healthy, etc) (303bc). In this case, each separate thing has the same quality as the sum of similar things.

Hippias believes that this will always hold. Socrates replies: if you and I together, Hippias, are two, then each of us by ourselves must be two, and if each of us is one, then both must be one as well (301de). Hippias is dumbstruck: as it turns out, “it’s not entirely necessary ‹…› that whatever is true of both is also true of each, and that whatever is true of each is also true of both” (302b, trans. Paul Woodruff).

This is an example of the second type of eidos. David Ross in his book on Plato’s Theory of Ideas (Clarendon Press, 1951, p. 4) calls it ‘numerical — but that takes away much of its meaning. In the Hippias Major, there is a detailed analysis of the pleasure of sound and sight (it could conveniently be called aesthetic): separately, the pleasures of sight and sound are qualitatively distinct from each other but united they acquire a completely new quality. As such, this type of eidos exists as a whole, whose parts, taken separately, do not possess the qualities of that whole.

A good example of such an eidos can be found in the Theaethethus: the first letters of the name Socrates, sigma and omega, separately do not have anything in common but together they create a syllable which, as Socrates puts it, is not a sum of letters, but a “combination which forms a unified eidos, that has its own unified idea, separate from that of the letters” (χρῆν γὰρ ἴσως τὴν συλλαβὴν τίθεσθαι μὴ τὰ στοιχεῖα ἀλλ’ ἐξ ἐκείνων ἕν τι γεγονὸς εἶδος, ἰδέαν μίαν αὐτὸ αὑτοῦ ἔχον, ἕτερον δὲ τῶν στοιχείων, 203e).

Greater, as it were, examples of this type of eidos are the city-state and the soul: parts of the one and the other separately (the yearning, raging and rational aspects of the soul, or the corresponding classes of the city, craftsmen, guards and philosophers) do not possess the properties of the whole, but the whole that is created from them is not a mechanical sum of all parts.
Let us call these eide composite, or quasi-divisible. ‘Quasi’ because the division here does not concern the sphere of the sensual, but is a diaeresis in the noetic sphere.

  1. In the Parmenides, the composite or quasi-divisible type of eidos becomes a necessary precondition for the existence of ‘the One’ at the beginning of the second hypothesis, when it is established that ‘the One as one’ is unthinkable, but that it is necessary to assume that ‘the One exists’ (“if we state the ‘is’ of the one that is, and the ‘one’ of that which is one, and if being and oneness are not the same, but both belong to that same thing that we hypothesized, namely, the one that is, must it not itself, since it is one being, be a whole, and the parts of this whole be oneness and being?” — 142d).

That principle of the existence of the One as a whole composed of parts necessarily leads our reasoning to the dialectic of identity and difference: “So the one, insofar as it is a whole, is in another; but insofar as it is all the parts, it is in itself. And thus the one must be both in itself and in a different thing” (145e).

The dialectic of identity and difference is based on a different type of participation, tied to the indivisibility of eidos. It is easy to show this using the example of how the One is identical to the other because of being different to it: “So insofar as the one is different from the others, and the others from the one, on the basis of having the property difference itself, the one would have a property not other, but the same as the others. And that which has a property the same is surely like, isn’t it?” (147e–148a)

Here we can see that the One is different from the other but that the other also is different from the one. Thus, their common quality is ‘difference’ — and because of this, they are identical. Here we are seeing another type of participation — not of parts in the whole but of different eide in a qualitative indivisible eidos.

То my mind, the most important, for Plato, problem of the ‘One and Many’ is solved with the help of a comprehensive dynamic model of interactions between the two founding types of eidos and participation connected to divisibility and indivisibility.

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