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Platon sur le Parménide

L’extrême difficulté d’interprétation de la seconde partie du Parménide est devenue un lieu commun des introductions générales au dialogue[1]. L’étonnement des lecteurs, qui a généré une multitude d’hypothèses exégétiques différentes déjà au cours de l’Antiquité, se reflète – et trouve en partie son origine – dans la structure formelle de la section, où l’εὐτονία caractéristique du dialogue socratique[2] est abandonnée à la faveur d’un entretien sèchement conduit par la voix de Parménide, avec la longue série des hypothèses et des déductions ; le rôle du répondant, le jeune Aristote futur membre des Trente, est presque réduit à l’assertion systématique, ce qui éloigne l’entretien de la vivacité typique de la forme dialoguée.

Il n’est donc pas étonnant de voir comment l’exceptionnalité de cette partie du dialogue, autant pour la forme que pour le contenu, est soulignée à plusieurs reprises par Platon lui-même, en utilisant les personnages du dialogue ; cette présence implicite de l’auteur est repérable dès le proème, avec l’observation d’Antiphon : rapporter le dialogue des grandes Panathénées constitue une « tâche énorme » (πολὺ ἔργον, 127a6 ; les mêmes mots sont utilisés par Socrate plus tard dans le dialogue, face aux indications de Parménide concernant la ‘gymnastique’ : 136d1). Parménide lui-même, avant d’introduire la première hypothèse, annonce la traversée d’un énorme océan de discours (πέλαγος λόγον, 137a6). Platon, comme chaque bon écrivain, est bien conscient de risquer d’épater le lecteur avec une tournure imprévue, à savoir la tumultueuse succession des arguments et des déductions : plusieurs fois, il met en garde son public sur l’effort qui lui sera demandé.

Mais le Parménide ne constitue qu’une tesselle dans la mosaïque littéraire de la maturité de Platon, un épisode qui appartient à une plus vaste stratégie de bouleversement des canons du λόγος Σωκρατικός : dans la γυμνασία du Parménide, peut-être pour la première fois[3], Socrate s’éloigne de la scène pour laisser la place à l’entretien entre Parménide et Aristote. Le modèle formel – le τρόπος – de cet exercice, si l’on en croit ce que dit Platon, est le traité de Zénon (135d6-7). Le Parménide constitue donc probablement le premier épisode d’une évolution littéraire du genre dialogue, qui comporte la marginalisation du personnage de Socrate et une recherche strictement cohérente avec une orientation méthodologique définie : ce parcours portera aux autres dialogues ‘éléatiques’, notamment le Sophiste et le Politique où, encore une fois, Socrate ne joue pas le rôle de protagoniste. S’il est évident, d’une part, que les expériences du Sophiste et le Politique aboutissent à un résultat divers sur le plan littéraire, d’autre part, l’importance du Parménide dans le cadre de la naissance d’un dialogue « systématique » est bien manifestée par les mentions du dialogue que Platon lui-même offre, au moyen de Socrate, dans le Sophiste (217c5-7, πάγκαλοι λόγοι) comme dans le Théétète (183e5-184a2), deux cas significatifs d’intertextualité à l’intérieur du corpus.

Mon intervention, en laissant de côté l’interprétation détaillée du contenu, vise à analyser le choix stylistique adopté par Platon dans la seconde partie du Parménide, en particulier s’appuyant sur les traces de poétique implicite que l’auteur lui-même offre au cours du dialogue ; cela pourra permettre un positionnement de l’entreprise littéraire du Parménide dans le contexte général de la poétique platonicienne, en particulier dans le cadre du renouvellement des formes du dialogue socratique. La nouvelle forme de dialogue songée par Platon se rapproche plus proprement des exigences liées à la transmission d’un savoir positif[4] : son élaboration constitue la tentative de tendre le genre dialogue vers les caractéristiques fonctionnelles du traité. La présentation continue du traité (σύγγραμμα), avec ses possibles réductions et simplifications[5], constituera notamment la forme littéraire privilégiée par l’Académie post-platonicienne, au moins jusqu’au retour du modèle ‘socratique’ au début de l’époque hellénistique[6]. Dans ce cadre historique, comprendre en profondeur le choix de Platon dans la seconde partie du Parménide pourra également nous aider à mieux saisir la fonction et la valeur de l’« exercice » proposé au jeune Aristote.

 

Bibliographie seléctive :

ARONADIO 2008 : Dialoghi spuri di Platone, a cura di Francesco Aronadio, Torino, 2008.

BLONDELL 2002 : Ruby Blondell, The Play of Character in Plato’s Dialogues, Cambridge-New York, 2002. BRANDWOOD 1990 : Leonard Brandwood, The Chronology of Plato’s Dialogues, Cambridge-New York, 1990.

BRISSON 2001 : Luc Brisson, Vers un dialogue apaisé : les transformations affectant la pratique du dialogue dans le corpus platonicien, in Frédéric Cossutta, Michel Narcy (edd.), La forme dialogue chez Platon. Évolution et réceptions, Grenoble, 2001, 209-226.

BRISSON 2014 : Écrits attribués à Platon, traduction et présentation par Luc Brisson, Paris, 2014. BRISSON 20182: Platon. Parménide, traduction inédite, introduction et notes par Luc Brisson, Paris, 20182.

BRUMBAUGH 1961 : Robert S. Brumbaugh, Plato and the One. The Hypotheses in the Parmenides, New Haven, 1961.

CORRIGAN 2010 : Kevin Corrigan, The Place of the Parmenides in Plato’s Thought and the Consequent Tradition, in John D. Turner, Kevin Corrigan (éd.), Plato’s Parmenides and its Heritage. Vol.1. History and Interpretation from the Old Academy to Later Platonism and Gnosticism, Atlanta, 2010, 23-36.

FERRARI 2004 : Platone. Parmenide, a cura di Franco Ferrari, Milano, 2004.

FRONTEROTTA 1998 : Francesco Fronterotta, Guida alla lettura del Parmenide di Platone, Roma-Bari, 1998. MILLER 1986 : Mitchell H. Miller, jr., Plato’s Parmenides. The Conversion of the Soul, University Park (Pa), 1986.

MCCABE 1996 : Mary Margaret McCabe, Unity in the Parmenides: the Unity of the Parmenides, in Christopher Gill, Mary Margaret McCabe (eds), Form and Argument in Late Plato, Oxford 1996, 5-47.

MEINWALD 1991 : Constance C. Meinwald, Plato’s Parmenides, New York-Oxford, 1991.

SCOLNICOV 2003 : Plato’s Parmenides, translated with introduction and commentary by Samuel Scolnicov, Berkeley-Los Angeles-London, 2003.

THESLEFF 1982 : Holger Thesleff, Studies in Platonic Chronology, Helsinki, Societas Scientiarum Fennica, 1982 [=Platonic Patterns. A Collection of Studies, Las Vegas-Zürich-Athens, 2009, 143-382].

Platone sul Parmenide

L’estrema difficoltà interpretativa che riguarda la seconda parte del Parmenide è talmente nota da essere divenuta un topos fisso, incipitario, in pressoché ogni presentazione generale del dialogo[7]. Lo sconcerto della critica già antica, che ha moltiplicato nei secoli gli orientamenti di lettura e le loro sfumature, si specchia – e in parte si fonda – nell’effettiva natura impervia del testo, in cui si abbandona improvvisamente l’εὐτονία caratteristica del dialogo socratico[8] e, consegnato il ruolo di guida a Parmenide, ci si avventura nella serrata scansione delle ipotesi, cui il conforto delle reazioni (perlopiù assertive) del giovane Aristotele non sottrae l’impressione di una concatenazione ineluttabile, lontana dalla vivacità dialogica dello scambio di domanda e risposta.

Non sorprende quindi che l’eccezionalità formale e contenutistica della sezione sia a più riprese sottolineata da Platone nel dialogo stesso, fin dalle pagine del proemio, con l’osservazione di Antifonte: riproporre i λόγοι delle Grandi Panatenee, nel ricordo di Pitodoro, costituisce un πολὺ ἔργον (127a6), parole riprese da Socrate di fronte alle indicazioni ‘programmatiche’ di Parmenide (136d1); nella voce del canuto eleate, trascinato come il cavallo di Ibico, si annuncia la traversata di un esteso πέλαγος λόγον (137a6). Platone è al corrente del rischio di sconvolgere il lettore con la vorticosa successione degli argomenti e delle deduzioni, e annuncia la difficoltà, anticipa l’ampiezza dello sforzo richiesto.

Ma il Parmenide costituisce solo un tassello all’interno di un’operazione più vasta, una vera forma di sperimentalismo letterario che il Platone maturo intraprende, stravolgendo i canoni del λόγος Σωκρατικός : nella γυμνασία del Parmenide, forse per la prima volta[9], Socrate si allontana dal centro della scena, per ascoltare le argomentazioni di Parmenide. Per il Parmenide il modello formale, a detta di Platone, il τρόπος, è nel dettato di Zenone, nella scansione esemplare dei γράμματα dell’eleate (135d6-7). Il Parmenide costituisce probabilmente il primo, ardito episodio di una evoluzione letteraria del genere-dialogo, evoluzione che porta al ridimensionamento della figura di Socrate nel Sofista e nel Politico, che ancora ad Elea guardano – per forma e contenuti – con il personaggio dello ξένος : certo, il risultato, il respiro di Sofista e Politico è diverso, ma il riconoscimento dell’importanza del Parmenide nell’evoluzione verso un dialogo ‘sistematico’ è ancora manifesto nelle menzioni che, tramite il ricordo di Socrate, l’autore offre per il dialogo, proprio nel Sofista (217c5-7, πάγκαλοι λόγοι), come già nel Teeteto (183e5-184a2), due casi notevolmente limpidi e significativi di intertestualità all’interno del corpus.

Il mio intervento, lasciate da parte le problematiche contenutistiche, vuole indagare e valorizzare la forma scelta da Platone nella seconda parte del Parmenide, esaminando in primo luogo le tracce di poetica implicita che l’autore stesso ci offre nel dialogo e al di fuori di esso, e insieme collocando l’impresa letteraria di Platone in un quadro più vasto, con l’esplorazione di una forma di dialogo alternativa rispetto ai canoni del λόγος Σωκρατικός, un dialogo più adatto alle istanze dell’esposizione continua di un sapere positivo[10], che fa proprie almeno in parte – le dinamiche di una trasmissione del sapere più canonica, più vicina al σύγγραμμα: proprio alla forma estesa del trattato, con le sue possibili riduzioni e schematizzazioni[11], si affiderà perlopiù la prima Accademia post-platonica, perlomeno fino al ritorno in forze di un modello ‘socratico’, al principio dell’età ellenistica[12]. Comprendere meglio le ragioni della scelta letteraria di Platone nel Parmenide, inoltre, potrà forse aiutare a capire più a fondo il significato e la funzione della γυμνασία.

 

Bibliografia selettiva :

ARONADIO 2008 : Dialoghi spuri di Platone, a cura di Francesco Aronadio, Torino, 2008.

BLONDELL 2002 : Ruby Blondell, The Play of Character in Plato’s Dialogues, Cambridge-New York, 2002. BRANDWOOD 1990 : Leonard Brandwood, The Chronology of Plato’s Dialogues, Cambridge-New York, 1990.

BRISSON 2001 : Luc Brisson, Vers un dialogue apaisé : les transformations affectant la pratique du dialogue dans le corpus platonicien, in Frédéric Cossutta, Michel Narcy (éd.), La forme dialogue chez Platon. Évolution et réceptions, Grenoble, 2001, 209-226.

BRISSON 2014 : Écrits attribués à Platon, traduction et présentation par Luc Brisson, Paris, 2014.

BRISSON 20182 : Platon. Parménide, traduction inédite, introduction et notes par Luc Brisson, Paris, 20182. BRUMBAUGH 1961 : Robert S. Brumbaugh, Plato and the One. The Hypotheses in the Parmenides, New Haven, 1961.

CORRIGAN 2010 : Kevin Corrigan, The Place of the Parmenides in Plato’s Thought and the Consequent Tradition, in John D. Turner, Kevin Corrigan (eds), Plato’s Parmenides and its Heritage. Vol. 1. History and Interpretation from the Old Academy to Later Platonism and Gnosticism, Atlanta, 2010, 23-36.

FERRARI 2004 : Platone. Parmenide, a cura di Franco Ferrari, Milano, 2004.

FRONTEROTTA 1998 : Francesco Fronterotta, Guida alla lettura del Parmenide di Platone, Roma-Bari, 1998. MILLER 1986 : Mitchell H. Miller, jr., Plato’s Parmenides. The Conversion of the Soul, University Park (Pa), 1986.

MCCABE 1996 : Mary Margaret McCabe, Unity in the Parmenides : the Unity of the Parmenides, in Christopher Gill, Mary Margaret McCabe (eds), Form and Argument in Late Plato, Oxford 1996, 5-47.

MEINWALD 1991 : Constance C. Meinwald, Plato’s Parmenides, New York-Oxford, 1991.

SCOLNICOV 2003 : Plato’s Parmenides, translated with introduction and commentary by Samuel Scolnicov, Berkeley-Los Angeles-London, 2003.

THESLEFF 1982 : Holger Thesleff, Studies in Platonic Chronology, Helsinki, Societas Scientiarum Fennica, 1982 [=Platonic Patterns. A Collection of Studies, Las Vegas-Zürich-Athens, 2009, 143-382].

[1] Voir par exemple BRUMBAUGH 1961, 1 ; MILLER 1986, 3 ; MEINWALD 1991, 3 ; FRONTEROTTA 1998, 3-4 ; SCOLNICOV

2003, 1 ; FERRARI 2004, 9 ; BRISSON 20182, 9.

[2] Sur l’εὐτονία comme caractéristique des dialogues socratiques voir D.L. II 60, l. 11-12 ; le contraste apparent entre la partie ‘socratique’ du Parménide et la section ‘gymnastique’ est bien soulignée par MCCABE 1996, 5-8.

[3] La chronologie – absolue ou relative – des dialogues de Platon est en grande partie incertaine ; cependant, une prééminence du Parménide dans la série des dialogues ‘éléatiques’ semble une donnée acquise par les savants : voir par exemple THESLEFF 1982, 157-161 [=2009, 304-308], et BRANDWOOD 1990, 251.

[4] BRISSON 2001, 221-226, parle correctement d’une tendance vers un « dialogue apaisé », avec la recherche d’une exposition dialectique formellement impeccable, suivant les règles que Platon lui-même avait établi dans les autres dialogues. En ce sens, la seconde part du Parménide est vraiment « le meilleur exemple d’un dialogue bien mené avec un questionneur » (p. 221-222) ; c’est un type d’entretien où Socrate trouve sa place avec difficulté. Sur la marginalisation de Socrate dans les dialogues éléatiques voir en particulier BLONDELL 2002, 314-396 ; voir aussi MCCABE 1996, 21 : « in the second part, the persons have effectively disappeared, leaving behind just the arguments ».

[5] La présence de ces formes simplifiées et schématisées est présumable sur la base des écrits « systématiques » qui nous ont été préservés, par exemple les Définitions attribués à Platon et les Divisions attribués à Aristote (ou à Platon).

[6] C’est à cette phase, sous le scholarcat de Polémon et Arcésilas, qu’on serait tentés d’assigner la plupart des dialogues inauthentiques attribués à Platon dans nos manuscrits ; il n’est pas clair, toutefois, si l’entièreté de ce corpus soit à assigner à l’Académie : pour cette question voir ARONADIO 2008, 23-32, et BRISSON 2014, 12-17.

[7] Cf. e.g. BRUMBAUGH 1961, 1 ; MILLER 1986, 3 ; MEINWALD 1991, 3 ; FRONTEROTTA 1998, 3-4 ; SCOLNICOV 2003, 1 ; FERRARI 2004, 9 ; BRISSON 20182, 9

[8] Sull’εὐτονία quale caratteristica tipica dei dialoghi socratici cfr. D.L. II 60, rr. 11-12; sul contrasto tra la parte ‘socratica’ e la γυμνασία, nel quadro della struttura generale del dialogo, si vedano le osservazioni di MCCABE 1996, 5-8.

[9] La cronologia dei dialoghi di Platone è notoriamente problematica e oggetto di un dibattito probabilmente inestinguibile: la precedenza del Parmenide rispetto gli altri dialoghi ‘eleatici’ sembra tuttavia imporsi in gran parte della critica; cfr. e.g. THESLEFF 1982, 157-161 [=2009, 304-308] ; BRANDWOOD 1990, 251.

[10] Correttamente BRISSON 2001, 221-226, parla della tendenza ad un « dialogue apaisé », e del tentativo di conquista di un’esposizione dialettica formalmente impeccabile, nel rispetto delle regole che Platone stesso – già nei dialoghi socratici – stabilisce per il διαλέγεσθαι. La seconda parte del Parmenide, in questo senso, è davvero « le meilleur exemple d’un dialogue bien mené avec un questionneur » (pp. 221-222), un tipo di dialogo in cui Socrate trova con difficoltà il suo spazio; per il ruolo di Socrate nei dialoghi eleatici si veda in particolare BLONDELL 2002, 314-396. Cf. anche MCCABE 1996, 21: « in the second part, the persons have effectively disappeared, leaving behind just the arguments ».

[11] La presenza di forme ridotte ed ‘epitomate’ all’interno della scuola è presumibile sulla base di scritti giunti fino a noi

sia pure in forma rielaborata – quali le Definizioni attribuite a Platone e le Divisioni attribuite ad Aristotele.

[12] A questa fase della storia della scuola, tra lo scolarcato di Polemone e la ‘svolta’ scettica di Arcesilao, sono da assegnare probabilmente molti dei dialoghi spuri del corpus, se si accetta una loro origine nell’Accademia: la questione è dibattuta; si vedano rispettivamente ARONADIO 2008, 23-32, e BRISSON 2014, 12-17.

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